cipitai pour ouvrir, frappé par l’idée soudaine qu’un événement grave allait m’arriver : peut-être ma mère était-elle malade ? Peut-être accourait-on m’annoncer qu’Antonia s’était tuée ? J’en étais à cette dernière pensée lorsque, en ouvrant la porte, je vis devant moi Antonia enveloppées d’une mante noire. Je reculai en chancelant, et je laissai tomber la bougie que je tenais à la main. Elle se jeta sur mon cœur dans les ténèbres et m’enlaça d’une étreinte si forte que toute résistance eût été inutile ; d’ailleurs je ne songeais pas à résister ; je sentais ses larmes mouiller mon visage, sa chevelure embaumée me pénétrait de son parfum suave et connu ; elle joignait ses mains autour de mon cou et me demandait pardon. Je la retrouvai à ma merci, elle qui, si souvent, m’avait repoussé par ses froids dédains ; elle était humble et passionnée aujourd’hui comme une femme d’Orient qui apaise par des caresses son maître irrité. Son souffle courait sur moi tel qu’une flamme électrique et elle me disait :
— Souviens-toi ! nous avons été heureux, nous pouvons l’être encore !
Comment me dégager d’elle ? comment repousser le bonheur que j’avais si souvent regretté ? Il est vrai que ce bonheur était désormais perverti, navrant, dépouillé de tout prestige ; mais la partie grossière des sens s’en contentait ; jamais, au temps radieux de mon culte pour elle, je n’avais ressenti de tressaillements plus vifs et plus énergiques ; je lui rendis ses baisers furieux, mais sans mentir à son âme :