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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/324

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Un soir je rentrai vers minuit, après l’avoir laissée m’attendre toute la journée. J’étais allé à travers la campagne déposer le fardeau que je traînais sans trêve ; je m’étais baigné dans la Seine, près de Bougival, puis roulé sur l’herbe, puis endormi sous les arbres par une chaude soirée d’août. Quand j’arrivai, elle éclata en reproches, me dit qu’elle voyait bien qu’elle ne pourrait jamais m’arracher à la dissipation et à la débauche, et que son sacrifice avait été en pure perte.

— Quel sacrifice ? m’écriai-je ; est-ce par hasard le renvoi de Tiberio ?

— Celui-là et tant d’autres, poursuivit-elle avec une sorte d’audace naïve qui m’exaspéra. Je vous ai été dévouée jusqu’aux dernières limites de l’abnégation, jusqu’à l’immolation de tous mes fiers instincts, jusqu’à l’avilissement de ma chaste nature.

J’éclatai de rire.

Elle continua :

— Votre incrédulité impie ne saurait m’atteindre ; Dieu le sait ! c’est pour vous sauver de l’abîme que j’ai surmonté mon dégoût des choses des sens. Je ne me suis rejetée dans vos bras que pour vous arracher à des bras souillés ; et maintenant vous me raillez de ma chute, et vous me traitez comme ces femmes dont j’ai voulu vous séparer : vous oubliez que j’ai été pour vous une sœur, une mère…

— Assez ! lui dis-je à ces mots qui éveillaient l’écho d’un langage semblable qu’elle m’avait tenu autrefois au moment même où elle me quittait pour Tiberio, —