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rien dire et nous montâmes dans sa voiture, qui nous conduisit au café Anglais. Durant le trajet, il affecta de ne me parler que des plaisirs de Londres ; il me raconta quelques aventures dont il avait été le héros. La conversation continua sur ce sujet jusqu’à la fin du déjeuner. Mais sitôt que le garçon fut sorti et que nous eûmes allumé nos cigares, il me dit en se plaçant debout en face de moi :

— Ainsi donc, Albert, ce duel est bien arrêté : tu vas te battre pour cette femme ?

— Ma décision est irrévocable, répondis-je ; mon père même, si j’avais le bonheur de l’avoir encore, ne m’y ferait pas renoncer.

— Eh bien, en ce cas, j’aurai plus de pouvoir que ton père, répliqua-t-il ; car je te jure bien que ce duel n’aura pas lieu.

— Tu deviens fou, lui dis-je avec impatience.

— Non, reprit-il ; mais je vais commettre une mauvaise action, si tu ne me donnes pas à l’instant ta parole que tu ne te battras point.

— Ce que tu me demandes là est impossible.

— Eh bien, en ce cas, je parlerai, poursuivit-il en devenant très-pâle.

Je fus pris d’un frisson et j’eus comme la révélation subite de quelque chose de terrible ; il semblait hésiter.

— Mais, parle donc, lui dis-je en lui secouant le bras.

— Tu sais, reprit-il, que Tiberio a été l’amant d’Antonia.