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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/335

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vous regretterez d’un regret vraiment sincère ces cheveux qui vous allaient fort bien.

Et la relevant d’une main résolue, je la conduisis à la porte. Je la sentais frémir sous cette pression convulsive.

— C’est votre dernier mot ? me dit-elle prête à sortir.

— Oui, le dernier dans cette vie ; car plutôt que de te revoir je me brûlerais la cervelle.

Ma porte se referma sur elle ; je l’entendis descendre l’escalier, puis m’étant approché de ma fenêtre, je la vis monter dans le fiacre qui stationnait sur le quai.

— Elle n’en mourra pas, pensais-je ; la douleur qui tue ne procède pas de la sorte.

Je repoussai du pied la tête de mort ; mais ces cheveux lustrés et d’où des étincelles semblaient jaillir, ces beaux cheveux si longtemps caressés et qui gardaient encore un parfum émanant d’elle, je les réunis dans mes mains tremblantes, et j’y plongeai avec frénésie mon front brûlant. Ce fut là la suprême étreinte et le dernier embrassement qu’elle reçut de moi.

Hélas ! en me séparant de sa vie je ne me séparai pas de son ombre ; dans les jours qui suivirent il me fut impossible de dormir, et comme l’a si bien dit un de nos poëtes : « Il me semblait toujours que sa tête reposait à côté de la mienne sur mon oreiller ; je ne pouvais plus l’aimer ni en aimer une autre, ni me passer d’aimer ; l’amour était à jamais empoisonné dans mon cœur ; mais j’étais trop jeune pour y renoncer,