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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/336

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et j’y revenais toujours. Je me disais : Si la passion m’abandonne, je vais donc mourir ? Si j’essayais de la solitude, elle me ramenait à la nature, et la nature me poussait à l’amour. Corromps-toi, corromps-toi, me criaient les voix de la foule, et tu ne souffriras plus ! Bientôt la débauche devint ma compagne et jeta sur la plaie de mon cœur ses poisons corrosifs. »

Je ne créais plus que des chants de désespoir rapides et d’une inspiration soutenue par une tension douloureuse de mon âme ; mais pour des œuvres de plus longue haleine, la patience et l’énergie indispensables au génie me manquaient. Ce qu’il y avait eu primitivement de rectitude et de force dans mon talent semblait s’être échappé avec le sang de ma blessure ; l’énervement des nuits d’orgie acheva de m’appauvrir. Le monde m’a traité en enfant gâté ; il a salué mes œuvres par une admiration presque unanime. Mais je sens bien, moi, que je n’ai pu donner la mesure de ce que j’étais ; on a connu le côté vif, gracieux, railleur et passionné de mon talent, mais le côté vigoureux et calme, on n’en a eu que des pressentiments. Çà et là seulement, dans ce que j’ai écrit, on retrouve la griffe du lion qui, couché sur le flanc par une main mystérieuse, doit mourir sans révéler sa puissance.

Ce que devenait son cœur, à elle, je ne cherchais pas à le savoir ; elle était consolée et paisible, me disait-on, et je sentais bien qu’on disait vrai. Les déchirements d’une rupture éternelle ne pouvaient dévaster sa vie comme ils firent de la mienne : elle en avait