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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/346

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à Dieu même toutes les contradictions de mon cœur ; misères et grandeurs, tendresse et haine !

D’autres ont su par moi cette désolante histoire, mais ils n’en ont aperçu que le squelette ; pour vous seule je l’ai ranimée ; vous avez revu le drame en action, suivi ses événements, compris ses douleurs, compté ses sanglots ; à vous seule enfin j’ai montré la vérité entière de ma vie ; quelle plus grande preuve d’amour pouvais-je vous donner ? Quelle communion plus intime pouvait unir nos deux âmes ?

Voilà ce qu’il me restait à vous dire et maintenant je suis soulagé.

Après avoir prononcé ces derniers mots sa tête retomba comme accablée par la fatigue et je sentis ses lèvres muettes boire mes pleurs qui coulaient toujours sur ses mains croisées.

Je fus prise pour lui d’une immense pitié ; oubliant mes craintes des autres jours qui m’auraient semblé puériles devant sa douleur, je voulus le garder jusqu’au soir. J’en fis mon hôte pour l’apaiser.

Ayant entendu rentrer mon fils avec Marguerite, je dis à Albert :

— Contenons nos larmes, elles effrayeraient cet enfant.

Il m’obéit, se détacha de mes genoux où ses mains s’appuyaient encore, et prenant mon fils dans ses bras, il se mit à le caresser. Nous restâmes ainsi jusqu’à minuit, comme en famille, et même lorsque l’enfant ne fut plus là, Albert ne prononça pas un mot qui eût pu me troubler et m’éveiller de mon songe fraternel. Mais