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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/348

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Si ce récit était une fiction destinée à devenir un livre, peut-être serait-il dans les règles de ce qu’on appelle l’art de n’y rien ajouter ; mais, selon moi, l’intérêt vivant l’emporte sur l’intérêt imaginaire, et l’attrait imprévu d’une action réelle sur l’effet combiné d’une composition habile ; puis rien n’est petit de ce qui touche un être vraiment grand ; rien n’est indifférent de ce que renferme une existence qui fut chère ; je vous dirai donc les dernières émotions d’Albert, mêlées aux événements de ma propre vie.

J’avais écrit sans contrainte et sans embarras à Léonce, car certain comme il l’était d’avoir tout mon amour, ce que je lui disais de l’entraînement qu’Albert ressentait pour moi pouvait bien lui causer quelque trouble, jamais d’effroi ni de douleur.

J’attendais avec calme sa réponse, tandis que j’étais émue et partant préoccupée de ce que je pourrais dire à Albert. Comment l’arracher à son exaltation de la veille par l’aveu explicite de mon amour pour Léonce ! Cet amour, il avait refusé d’y croire, comment insister sur sa réalité et faire pénétrer dans ce cœur blessé et aimant la cruauté de la conviction : le repousser comme amant, c’était le perdre comme ami, c’était renoncer à jamais à cette fraternité de cœur, à cette camaraderie de l’esprit qui m’étaient si douces ; je savais bien qu’il ne voudrait pas de mon amitié. Du jour où l’amour nous frappe les autres sentiments disparaissent pour ainsi dire consumés ; c’est l’étincelle qui détermine l’incendie ; et pourtant je sentais qu’il serait lâche à