moi d’hésiter. Me taire, c’était tromper Albert, c’était tromper Léonce ; laisser l’espérance à l’un, c’était enlever à l’autre la sécurité.
J’étais en proie à cette inextricable anxiété lorsqu’un coup de sonnette retentit : ce ne pouvait être qu’Albert. Je me sentis défaillir ; mais j’éprouvai un allégement subit en apercevant son domestique ; il m’apprit que son maître était souffrant et ne pourrait venir chez moi ni dans la journée ni le soir.
— Il est donc sérieusement malade, lui dis-je, qu’il ne m’a pas écrit ? S’il en est ainsi, je vais aller le voir !
Le domestique m’en dissuada en m’apprenant que durant ces crises nerveuses, qu’il ressentait une ou deux fois par mois, son maître désirait rester dans une solitude absolue ; — il se tient immobile et sans parler, ajouta-t-il, il prend ce qu’il appelle : son bain de silence et de repos, et au bout de vingt-quatre heures il est guéri.
— Dites-lui toujours que s’il désire me voir, j’accourrai, répétai-je au domestique comme il s’éloignait.
À peine fus-je seule que je compris que mes paroles rapportées à Albert le feraient croire à mon amour.
Je passai le reste du jour dans une indicible agitation ; je ne savais à quel dessein m’arrêter et quelle forme donner à mon aveu ! Écrire à Albert ma passion pour Léonce, c’était lui adresser une sorte de congé en le frappant froidement ; car la parole écrite a toujours quelque chose de dur et d’irrémissible, tandis que