— Oh ! oui, repris-je en l’embrassant comme j’aurais embrassé mon fils, je souffre d’ajouter à vos chagrins, moi qui voudrais tant les changer en bonheur.
— Vous avez la persuasion de la bonté, répliqua-t-il, et vous me faites comprendre ma folie. Il est vrai, je ne puis empêcher que vous en aimiez un autre, mais ce que j’aurais pu faire, ce que j’aurais fait à coup sûr si j’étais plus jeune et plus beau, c’est de prendre sa place ; — voyons, voyons, cela n’était-il pas possible ; cet amant n’est pas un mari ; il n’est pas même un amoureux bien vif, puisqu’il vous laisse ainsi dans toutes les langueurs de l’attente ?
Il avait pris tout à coup un ton dégagé en prononçant ces paroles ; il souriait comme à une convoitise.
— Le voulez-vous, chère amie ? essayons un peu de nous aimer, et après, vous me préférerez peut-être à ce terrible absent !
— Non ! m’écriai-je blessée et raffermie par ce changement de langage ; lui seul me plaît et lui seul m’attire.
— Ah ! je comprends, fit-il en se regardant dans la glace, je vous fais l’effet qu’Antonia a produit sur moi à notre dernière rencontre ; mais s’il en est ainsi, pourquoi ne me fuyez-vous pas ? pourquoi m’attirez-vous au contraire et pourquoi pleurez-vous sur moi ?
— C’est qu’il est dans votre génie quelque chose d’éternellement jeune et beau qui, en dehors de l’amour, exerce une séduction puissante et un attrait