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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/362

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— Oui, répliqua Albert, comme les nobles parvenus se moquent de la roture, mais en sentant où le bât les blesse.

Ceci n’est après tout, poursuivit-il, qu’un peu de faconde, c’est la voix lointaine du dieu qui veut vous éblouir ; on dirait une incarnation de Brama gourmandant un croyant esclave. Mais voici un post-scriptum où gît tout son cœur ; il a voulu confirmer l’opinion vulgaire que c’est dans cette dernière partie d’une lettre que la pensée se trahit. Oh ! ici je puis dire comme Pilate : Ecce homo ! mais ce n’est pas moi qui suis le couard !…

— Assez ! assez ! m’écriai-je, qu’avez-vous donc découvert de si monstrueux ? Venons au fait !

— Oh ! c’est mieux qu’une trahison, continua-t-il en agitant une lettre, mieux qu’une couardise, c’est l’insensibilité du marbre en face d’un cœur qui n’ose crier mais qui saigne en secret. Marquise, le dernier de vos amis eût imaginé en pareille circonstance une délicatesse ingénieuse, Duchemin lui-même en aurait eu la pensée, oui, ceci me grandit Duchemin ! car, dans sa convoitise, Duchemin cesse d’être avare, et l’autre, dans sa sentimentalité, reste un Harpagon !

— Je ne vous comprends pas, que voulez-vous dire ? Je ne permets à personne de l’insulter, m’écriai-je tremblante de colère et d’émotion.

— Mais c’est lui qui s’est flétri de sa propre main, reprit Albert, écoutez-moi, pauvre chère âme, et jugez ! Je vois, je devine qu’il y a quelque temps, dans