— Ainsi, vous chantez toujours, lui dis-je, ne sachant que lui répondre et sur quoi l’interroger.
— Toujours, reprit-elle avec son inaltérable sourire confiant et pur ; vous viendrez ce soir chez ma tante, vous m’entendrez ; et comme nous nous étions un peu éloignés de la plage et que le vent soufflait moins fort, elle se mit à courir légère jusqu’au rocher où on l’attendait. À mesure qu’elle disparaissait, elle jetait dans l’air quelques notes claires et perlées qui semblaient sortir d’une voix céleste.
J’allai chez elle le soir même ; quand j’arrivai, elle chantait au piano ; l’instrument se fondait avec la voix ou plutôt la laissait planer et vibrait à peine. Pendant un mois je l’entendis ainsi chaque soir et je me pris à l’adorer en l’écoutant ; par une intuition qui tenait du prodige, cette âme d’enfant versait dans son chant les passions dont elle ignorait le nom même ; il sortait d’elle des flammes qui ne la brûlaient pas, et des cris sublimes dont l’écho restait muet dans son cœur naïf. C’était comme la puissance des sibylles antiques qu’un dieu possédait à leur insu.
Un soir elle me dit gaiement : — Nous partons demain pour Palerme, mais dans deux ans, à l’automne, quand je devrai mourir, vous me reverrez, je serai à Paris à l’hôtel Meurice, ne l’oubliez pas. Au lieu d’un tombeau de marbre blanc, je veux un beau chant de vous pour m’ensevelir ; je resplendirai à jamais dans vos vers et je serai bien joyeuse !
Comme elle s’aperçut que mes yeux se remplis-