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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/408

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VISITE À UN ABSENT

Il fait froid, ton foyer s’allume,
Tu t’habilles, tu vas sortir ;
Tu pars, et j’accours me blottir
Dans ton fauteuil. Je prends ta plume.
 
Je n’écrirai pas un volume :
Mais un seul mot pour t’avertir
Que cet amour qui te consume,
Pour toi, je voudrais le sentir.

Mais ce mot, pourras-tu le lire ?
Ma main, en tremblant, l’a tracé.
Et mes pleurs l’ont presque effacé.

Oh ! ce mot, pourquoi le récrire ?
À ton âme comme à tes yeux
Une larme parlera mieux.


Je ne relus point ces vers, et je me hâtai de les mettre auprès des autres dans l’enveloppe. Si je les avais relus chez Albert, peut-être ne les lui aurais-je pas laissés ; il y a toujours dans la langue de la poésie quelque chose d’exalté qui outre-passe ce que nous voulions dire ; cela vient de la rime, qui oblige parfois à des mots plus tendres ; cela vient aussi du tutoiement.

Je rentrai chez moi transie et frissonnante ; tout mon sang avait reflué vers mon cœur.