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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/43

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dieu pour tout ce qui facilite la renommée des écrivains. Il brilla tout à coup, sous la Restauration, au milieu de la pléiade des grands poètes lyriques. Après un voyage en Italie, il publia une imitation de l’Enfer, où il sut faire passer dans ses vers inspirés toute la précision et toute la grandeur de la poésie dantesque. Il fit aussi une suite de tableaux, compositions achevées, sur les mœurs, les paysages et les œuvres d’art de l’Italie. Une maladie nerveuse ferma son cœur et ses lèvres durant quelque temps ; ses amis proclamèrent que son cerveau était atteint : comme si les facultés ne pouvaient se reposer ou s’exercer dans des rêves muets ! Il revint bientôt à la vie réelle, mais avec un cerveau plus vaste et plus fort. Il dut à cette interruption du commerce des hommes le superbe mépris de tout ce qui aiguillonne leur vanité et leur ambition ; il est le seul parmi les contemporains qui n’ait jamais songé à une croix, à une place, aux articles des journaux et aux louanges des salons. Duverger a eu de ces dédains-là, mais il a courtisé la popularité. René n’a jamais flatté personne, pas même ses amis : il les aime et les sert.

Heureuse, je le voyais deux fois par mois ; quand le chagrin me terrassa et que la mort faillit me prendre, il fut le seul qui vint chaque jour me consoler et me distraire par cette verve ironique, mais grandiose, du vrai sage qui fait contribuer l’infini à la guérison de nos misères bornées. Il ne raillait jamais la douleur ; mais il raillait ceux qui la causent, depuis les persé-