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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/97

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père, et si jamais vous y goûtez ; vous m’en direz des nouvelles.

Quelques jours après, lorsque j’eus triomphé de ses indécisions, je me piquai au jeu et je lui tins parole : durant huit jours, je lui servis tour à tour des fricassées de poulet, des filets de sole, des côtelettes à la Soubise, des omelettes au rhum, et une foule d’autres plats qui la ravissaient par leur diversité. Elle préparait les matières premières en mettant des gants ; j’allumais les fourneaux, j’opérais le mélange des ingrédients, beurre, lard, etc., et je faisais sauter les casseroles. Je ne jurerais pas, marquise, que mes sauces fussent toujours orthodoxes ; je devais confondre souvent une recette avec une autre, comme lorsqu’on pratique d’après le souvenir d’une théorie ; mais ma grisette n’y regardait pas de si près, et lorsque nous nous mettions à table elle me disait, en savourant les mets que je lui servais :

— Ma foi, vous aviez raison, vous êtes plus fort que lui ; il ne savait faire que les biftecks aux pommes et les rognons au vin bleu.

Je riais de bon cœur, tandis qu’elle parlait :

— Que vous êtes aimable et cordial ce soir ; dis-je à Albert, allons, contez-moi encore une de vos jolies histoires que vous contez si bien.

— J’aurais dû faire de même le premier jour et ne pas vous ennuyer de boutades de mon cœur, reprit-il, mais je vais à l’aventure suivant mon instinct et comme le diable me pousse.