Il disait vrai et c’est ce qui faisait son charme indéfinissable ; il n’avait pas le travers des écrivains et des poëtes, qui posent presque toujours ; il vivait à sa fantaisie ; sans projet de fortune, sans poursuite systématique de la célébrité ; ses sentiments et ses paroles étaient, comme sa vie, imprévus et poétiques. Il avait bien toutes les qualités de l’amoureux : une imagination toujours en haleine ; une insouciance d’enfant du positif et du temps qui fuit ; la raillerie de la gloire, l’indifférence de l’opinion et un oubli absolu de tout ce qui n’était pas le désir du moment, l’attrait de son cœur. Il poursuivit :
— Si je n’avais été arrêté par une émotion involontaire, peut-être aurais-je procédé avec vous (et j’avouerai que j’y ai un moment songé), suivant la méthode de mon ami le prince X., ce bel étranger, qui chantait mieux que tous les ténors de nos théâtres, et qui avait le corps et la tête d’une statue antique.
— Je l’ai connu, répondis-je, et sa façon d’agir auprès des femmes m’intéresse moins que vos histoires ; pourquoi cette digression ?
— Parce que je ne saurais être didactique et monotone comme un discours académique, et que si vous ne me laissez pas la bride sur le cou, je ne parle plus.
— Allons, dites tout ce qui vous plaira.
— Je suis bien tenté d’user de la permission et de vous dire très-nettement que je vous aime. Le prince X. n’y aurait pas manqué et il aurait joint l’action aux paroles.
— Sauf à être jeté à la porte ; repartis-je.