Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
PROMENADE EN HOLLANDE.

poussait vers les Indes ; Van Hopper, la blessure qu’il ressentait de la douleur de ses filles ; et elles, les deux vierges irritées, par pudeur et soumission chrétienne, refoulaient dans leur cœur leurs cris et leurs larmes.

Que serait-il arrivé si, à l’exemple des femmes grecques de l’antiquité ou des Italiennes modernes, leur passion avait éclaté en reproches et en sanglots ; si Rosée avait dit à Georges ; « Tu ne partiras pas, ou j’en mourrai, » et si l’impétueuse Marguerite avait menacé Guillaume d’infidélité ? Aux menaces et aux plaintes, sans doute que ces êtres indécis se seraient émus et ne seraient point partis ! Mais pas un cri ne troubla leur quiétude égoïste, et ils ne crurent que faiblement à l’angoisse qui ne s’exprimait point.

On s’entretint d’affaires et d’arrangements intérieurs avec une sorte de sérénité dont Van Hopper maintenait le ton par sa présence. On décida qu’on échangerait des portraits et des souvenirs ; qu’on adoucirait l’absence par de longues lettres écrites au départ de chaque navire ; que les deux jeunes filles verraient chaque jour les deux veuves et les habitueraient insensiblement à leur affection. On parla aussi de cette habitation du Plantage, où vous venez de les voir toutes deux, habitation appartenant à Rosée, et jusqu’alors négligée. On convint qu’il fallait l’embellir, la meubler, l’orner comme un nid d’a-