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Page:Colette - La Chambre éclairée, 1920.djvu/25

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« Couin ! » comme celui qui est dans la bibliothèque, et elle écrit. Elle écrit, sans papier, sans encre ni plume ; elle écrit, la bouche pincée, avec des pauses, des mordillements hésitants du petit doigt, des ratures, une mimique parfaite d’écrivain, elle qui ne sait pas, ou si peu, écrire… Ah ! qu’écrit-elle ? Et à qui ? Je n’y peux tenir. Je tombe lourdement au milieu de son jeu raffiné :

— À qui écris-tu, Bel-Gazou ?

Par chance, le charme résiste à ma voix. Bel-Gazou ne s’éveille pas à la réalité et répond du fond de son rêve ;

— J’écris à mon frère.

— À ton frère !!! Tu as un frère ?

Petit sourire dédaigneux. Petit haussement d’épaules. D’où est-ce que je sors, pour ignorer qu’elle a un frère ?

— Comment s’appelle-t-il ?

— Il s’appelle Louis Tragomar.

Je n’attendais qu’un prénom, mais le personnage complet, soigné, existe, muni de son état-civil, de son âge…

— Au fait, quel âge a-t-il, Bel-Gazou ?

— Huit ans.

— Où est-il ?