Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/30

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par trois étés, à grands bords, à petit fond cravaté d’une ruche marron, et son tablier de jardinière, dont le bec busqué du sécateur a percé une poche. Des graines sèches de nigelles, dans leur sachet de papier, font, au rythme de son pas, un bruit de pluie et de soie égratignée au creux de l’autre poche. Coquette pour elle, je lui crie :

— Maman ! ôte ton tablier !

Elle tourne en marchant sa figure à bandeaux qui porte, chagrine, ses cinquante-cinq ans, et trente lorsqu’elle est gaie.

— Pourquoi donc ? Je ne vais que dans la rue de la Roche.

— Laisse donc ta mère tranquille, gronde mon père dans sa barbe. Où va-t-elle, au fait ?

— Chez Léonore, pour le dîner.

— Tu ne vas pas avec elle ?

— Non. Je n’ai pas envie aujourd’hui.

Il y a des jours où la boucherie de Léonore, ses couteaux, sa hachette, ses poumons de bœuf