Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/47

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à une clef de tiroir, puis le jaseron de son face-à-main au loquet de la porte, entraîna dans les mailles de son fichu le dossier pointu et gothique d’une chaise second Empire, retint la moitié d’une imprécation et disparut après un regard indigné, en murmurant :

— Neuf ans !… Et me répondre de cette façon quand je parle de choses graves !

Le mariage de ma demi-sœur venait de me livrer sa chambre, la chambre du premier étage, étoilée de bleuets sur un fond blanc gris.

Quittant ma tanière enfantine — une ancienne logette de portier à grosses poutres, carrelée, suspendue au-dessus de l’entrée cochère et commandée par la chambre à coucher de ma mère — je dormais, depuis un mois, dans ce lit que je n’avais osé convoiter, ce lit dont les rosaces de fonte argentée retenaient dans leur chute des rideaux de guipure blanche, doublés d’un bleu impitoyable. Ce placard-cabinet de toilette m’appartenait, et j’accoudais à l’une ou l’autre fenêtre une mélan