Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/48

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colie, un dédain tous deux feints, à l’heure où les petites Blancvillain et les Trinitet passaient, mordant leur tartine de quatre heures, épaissie de haricots rouges figés dans une sauce au vin. Je disais, à tout propos :

— Je monte à ma chambre… Céline a laissé les persiennes de ma chambre ouvertes…

Bonheur menacé : ma mère, inquiète, rôdait. Depuis le mariage de ma sœur, elle n’avait plus son compte d’enfants. Et puis, je ne sais quelle histoire de jeune fille enlevée, séquestrée, illustrait la première page des journaux. Un chemineau, éconduit à la nuit tombante par notre cuisinière, refusait de s’éloigner, glissait son gourdin entre les battants de la porte d’entrée, jusqu’à l’arrivée de mon père… Enfin des romanichels, rencontrés sur la route, m’avaient offert, avec d’étincelants sourires et des regards de haine, de m’acheter mes cheveux, et M. Demange, ce vieux monsieur qui ne parlait à personne, s’étais permis de m’offrir des bonbons dans sa tabatière.