Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ma songerie, innocente, caressa le mot et l’image…

Une nuit de vent, pendant que battaient les portillons mal attachés de la basse-cour, que ronflait au-dessus de moi le grenier, balayé d’ouest en est par les rafales qui, courant sous les bords des ardoises mal jointes, jouaient des airs cristallins d’harmonica, je dormais, bien rompue par un jeudi passé aux champs à gauler les châtaignes et fêter le cidre nouveau. Rêvai- je que ma porte grinçait ? Tant de gonds, tant de girouettes gémissaient alentour… Deux bras, singulièrement experts à soulever un corps endormi, ceignirent ici mes reins, ici ma nuque, pressant en même temps autour de moi la couverture et le drap. Ma joue perçut l’air plus froid de l’escalier ; un pas assourdi, lourd, descendit lentement, et chaque pas me berçait d’une secousse molle. M’éveillai-je tout à fait ? J’en doute. Le songe seul peut, emportant d’un coup d’aile une petite fille par delà son enfance, la déposer, ni surprise, ni révoltée, en pleine adolescence hypocrite