Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/52

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et aventureuse. Le songe seul épanouit dans une enfant tendre l’ingrate qu’elle sera demain, la fourbe complice du passant, l’oublieuse qui quittera la maison maternelle sans tourner la tête… Telle je partais, pour le pays où la chaise de poste, sonnante de grelots de bronze, arrête devant l’église un jeune homme de taffetas et une jeune fille pareille, dans le désordre de ses jupes, à une rose au pillage… Je ne criai pas. Les deux bras m’étaient si doux, soucieux de m’étreindre assez, de garer, au passage des portes, mes pieds ballants… Un rythme familier, vraiment, m’endormait entre ces bras ravisseurs…

Au jour levé, je ne reconnus pas ma soupente ancienne, encombrée maintenant d’échelles et de meubles boiteux, où ma mère en peine m’avait portée, nuitamment, comme une mère chatte qui déplace en secret le gîte de son petit. Fatiguée, elle dormait, et ne s’éveilla que quand je jetai, aux murs de ma logette oubliée, mon cri perçant :

— Mamaan ! viens vite ! Je suis enlevée !