Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/81

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…Ou la belle reine oubliait Son front couronné pour son page, Qu’elle adorait !

— Le capitaine a vraiment une voix pour le théâtre, soupire Mme Bruneau.

— S’il avait voulu… dit maman, orgueilleuse. Il est doué pour tout.

Le rayon de la lune qui monte atteint une raide silhouette d’homme debout sur la terrasse, une main, verte à force d’être blanche, qui étreint un barreau de la grille. La béquille et la canne dédaignées s’accotent au mur. Mon père se repose comme un héron, sur sa jambe unique, et chante.

— Ah ! soupire encore Mme Bruneau, chaque fois que j’écoute chanter le capitaine, je deviens triste. Vous ne vous rendez pas compte de ce que c’est qu’une vie comme la mienne… Vieillir près d’un mari comme mon pauvre mari… Me dire que je n’aurai pas connu l’amour…