Page:Collectif (famille Chauviteau) - 1797-1817 Lettres de famille retrouvées en 1897, 1897.djvu/227

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savait se faire obéir et respecter. Mais, comme elle aimait à le rappeler elle-même, elle avait commencé par être docile et soumise à son mari, reconnaissant en lui celui dont elle devait aimer l’autorité et deviner les désirs.

Aussi sa fermeté était-elle empreinte de mesure et de discrétion.

Ferdinand, aux sorties de Louis-le-Grand, prenait habituellement 5 ou 10 francs pour ses menus plaisirs. Un jour, sur son compte, Mamita voit portés 200 francs, et, la semaine suivante, la même somme ; elle fait atteler et court au collège. Ferdinand lui dit que ce n’est pas pour lui et qu’il n’en a pas fait un mauvais usage. Mamita lui répond : « C’est bien, mon fils », et ne lui en reparla plus ; peu après, elle l’envoyait aux États-Unis faire un recouvrement de 800 000 francs.

Elle ne s’était jamais séparée de Séraphine, sa fille aînée, mais elle ne la gâtait pas et avait su lui inspirer autant de déférence que de tendresse. Élevée entre six garçons turbulents et espiègles, la pauvre petite Séraphine avait souvent à souffrir ; sa mère l’habituait à ne pas se plaindre et ne favorisait pas plus la plaignante que les coupables ; c’est ainsi qu’elle formait des caractères généreux au lieu de s’entourer mollement, comme bien des mères créoles, d’enfants gâtés et capricieux. Séraphine conserva toujours le bienfait de cette éducation et sut en être reconnaissante. Un soir d’hiver, elle étrennait une délicieuse toilette de crêpe rose et allait rejoindre son fiancé dans un bal. Mamita, en descendant l’escalier, se retourne vers elle et lui dit : « Séraphine, il fait bien froid ; si nous restions ? » Séraphine est la première rentrée, et après avoir accompagnée Mamita dans sa chambre et lui avoir dit bonsoir, elle court enlever sa jolie couronne de fleurs et se jette sur son lit en sanglotant.

Cette sévérité ne lui était cependant pas habituelle et n’était chez elle que l’accomplissement momentané du devoir ; elle avait plutôt recours à l’affection ; que de fois même sa sévérité était-elle vaincue par un baiser, quand elle sentait la manière dont il était donné ! Tout en se sachant adorée, elle n’abusait pas pour elle-même de ce sentiment et n’était pas exigeante ; elle pensait toujours aux autres avant elle.

Une nuit qu’elle était fort souffrante, elle se lève et va réveiller