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LAUSANNE À TRAVERS LES ÂGES

Léman. Amédée de la Harpe (cousin germain de Frédéric-César de la Harpe) fut condamné à mort par contumace, et ses biens confisqués ; Rosset, condamné à vingt-cinq ans de prison ; le capitaine Muller de la Mothe, également à vingt-cinq ans, dont il fit effectivement une partie au château d’Aarbourg ; Samuel Demartines, seigneur de Saint-Georges, membre du Deux-Cents de Lausanne, à six ans de forteresse ; l’avocat Antoine Miéville, qui, quelques années plus tard, devait fonder la Gazette de Lausanne, à cinq ans de prison, qu’il fit à l’hôpital de l’Isle à Berne ; J.-H. Joseph, membre du Deux-Cents et Grand Voyer de Lausanne, à la même peine ; le libraire Victor Durand, à quatre années d’arrêts domestiques ; Ch.-S.-J. Dapples, banquier et membre du Soixante, à deux ans d’arrêts domestiques, etc. D’autres patriotes subirent des arrêts domestiques, furent censurés ou privés de leurs emplois et durent payer leur part aux frais de procédure.

Les noms de ces patriotes méritent d’être rappelés : un monument leur sera prochainement élevé, par décision du conseil communal, avec le concours d’une souscription publique, près de l’église d’Ouchy. On voit qu’en ces temps difficiles, faire de l’opposition au gouvernement, c’était exposer sa vie, sa liberté, ses biens, sa position et l’avenir de sa famille.

Cette répression extra énergique fut suivie, pour Lausanne, d’un temps de calme plat, pendant lequel on vit affluer les émigrés, dont quelques-uns ont été mentionnés plus haut. Leur séjour fut une source de prospérité. Voici ce qu’en date du 29 juillet 1797, écrivait à ce sujet le pasteur Frédéric Bugnion-de Saussure à son neveu César de Constant, alors étudiant à Leipzig :

« Lausanne est devenue une ville de commerce. Tous les jours s’élèvent de nouvelles maisons. Ce n’est plus qu’agent de change, papier sur la place, argent au 8 %, transit de marchandises, comptoirs, bureaux, magasins, mouvement de gens qui rêvent en marchant, tenant en main un billet au porteur ou quelque lettre de change. Pour peu que cela continue, on pourra dire de nous comme de l’ancienne Genève : on y calcule et jamais on y rit. Les de Villars font des affaires immenses, les Finguerlin de Lyon viennent s’établir dans la maison de Mézery, l’ancien comptoir de Porta-Roussillon Cie, Rolland de Marseille, de Ville de Bordeaux, de Bons et de Montagny, Bourt-Hollock, Dupleix-La Brosse et, que sais-je, tant d’autres dont je ne connais ni les noms, ni les figures, trottent, écrivent et se démènent du matin au soir. On assure que Lausanne fait actuellement autant que Bâle. »

Mais aux sentiments de douce quiétude, dont cette correspondance laisse l’impression, succédèrent des préoccupations d’une nature plus grave. Au commencement de décembre, le bruit court qu’une révolution se prépare. Le 2 janvier 1798 on apprend que le Directoire français s’apprête à intervenir. Aussitôt se forme sous la présidence du capitaine de Bons, un club de pétitionnaires, qui prend le nom de Comité de réunion et siège en permanence ; il a sa chancellerie, son imprimerie, ses courriers à pied et à cheval, qui parcourent le pays en tous sens pour distribuer l’arrêté du Directoire. Des comités analogues se constituent à Vevey, sous l’impulsion de J.-D.-A. Perdonnet, et dans d’autres localités. Les