Page:Collectif - Le Conteur, 1833.pdf/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
LE NAIN DE BEAUVOISINE.

combrées de façon à intercepter les rayons les plus hardis du jour.

L’espace où vit un marchand de Rouen le lie étroitement toute sa vie à sa marchandise ; il en est habillé. S’il vend du coton, il le prouve jusque dans ses cheveux qui en sont pleins. Il assume, à son insu, la physionomie de ses ballots sur lesquels il mange, compte et dort ; c’est son élysée. Sa vie circule dans cet espace épais ; mais son activité n’y est pas moins infatigable que celle du papillon sur les fleurs. Il fait six lieues par jour de ses registres à ses écheveaux ; il voltige ainsi de pied ferme durant quarante ou soixante ans, et ne quitte ses balances que pour mourir. Bon marchand ! que celles de Dieu lui soient légères !

Et moi, je descendais lentement la rue Beauvoisine, pour ne pas traverser de sitôt encore sa sœur aînée, sa sœur avare, qui a une odeur de centimes et de vieux liards qui porte au cœur.