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LE NAIN DE BEAUVOISINE.

Je ne regardais personne, personne ne me regardait. Inconnue aux paisibles habitans de cette montagne citadine, comme aux rares passans qui en soulèvent la poussière, j’y marchais avec sécurité : cette liberté muette avait comme un ressentiment de tous mes bonheurs lointains, car rien ne m’empêchait d’écouter ma pensée, ma pensée appuyée un long moment comme une pauvre abeille égarée aux villes, qui rencontre tout à coup un champ, un jardin, un lilas sur une fenêtre !

D’heureuses années revenaient bruire à mes oreilles ; des ruisseaux coulaient clairs et rapides ; il me paraissait impossible que les têtes rares qui regardaient immobiles à travers les carreaux brillans, ne fussent pas calmes comme l’air que je traversais. Depuis long-temps je n’avais été si près de toutes mes félicités innocentes d’enfance ; j’y puisais comme dans des tiroirs qui s’ouvraient tout seuls, tout pleins d’objets