Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/382

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trière profonde, laissait seule encore apercevoir l’immensité. La planète de la dame orange y scintillait pleine d’audace. Comme une flèche lancée par un arc mogol, ses rayons acérés traçaient du ciel à la terre une hyperbole de feu. Mais c’est en vain qu’elle luttait contre l’orage, et la nuée, crevant tout-à-coup avec un fracas terrible, la dévora et l’anéantit.

La pluie nous avait forcés à rentrer dans le salon, et nous prîmes bientôt place à table. Garnier, ne pouvant guérir son fatal amour, ne manquait pas de faire la plus sotte figure partout où il se montrait. La dame orange, il faut en convenir, le dédaignait complètement. Jamais elle n’avait été plus à la mode.

Ce jour-là surtout, il n’avait jamais été en butte à des railleries plus mordantes, à de plus cruelles agaceries. L’ironie est une figure de rhétorique qui, lorsqu’elle n’est pas trop prodiguée, est du plus grand effet. Ce qui portait la belle Amélie à rire outre mesure, c’est qu’elle avait les dents fort belles. À chaque trait piquant qui sortait de ses lèvres au-dessus du bruit de la vaisselle et du trépignement des laquais, croassait la gaîté bruyante de l’amphytrion. Garnier se montra d’abord très-peu sensible à tout ce qui se passait autour de lui ; tout en se dandinant à trois pieds de la table et en marchant sur sa serviette, il se conformait scrupuleusement à ses habitudes dévorantes : la tête penchée