Page:Collectif - Le livre rose - 1.pdf/344

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« — Voilà une brillante perspective que vous présentez à M. de Sernan, s’écria Hortense. Emma n’avait aucune disposition pour la musique quand elle était en pension, et je ne présume pas que ce soit en province qu’elle ait puisé les perfections dont vous la gratifiez, monsieur ; quant à son esprit, tout en l’aimant beaucoup, je suis forcée de convenir qu’il était fort ordinaire et qu’il n’annonçait surtout rien de piquant. »

Madame de Servière prononça ces paroles avec une amertume qui frappa Ernest ; elle ne savait pas combien il y avait d’observation, d’esprit et d’âme dans cet enfant qu’elle traitait sans conséquence ; elle ne savait pas que sa passion, qu’elle croyait si profonde, n’était que le premier égarement des sens d’un jeune homme sensible et impressionnable, et que, dans cette imagination fraîche et pure, la douceur et la bonté étaient des attraits encore plus puissans que l’entourage éclatant qui avait commencé à monter son imagination et à lui tourner la tête.Aussi quand madame de Servière avait parlé avec peu d’indulgence de cette pauvre Emma, si malade et presque abandonnée, Ernest avait détourné ses regards de l’éclatante beauté d’Hortense, pour rêver doucement à cette femme qu’on disait si intéressante, et qui, en si peu de temps, avait perdu tous les liens qui l’attachaient au monde.