Page:Collectif - Revue canadienne, Tome 1 Vol 17, 1881.djvu/759

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Pierre, dans Rome, la Ville Éternelle. L’année qui va commencer verra peut-être ce qui ne s’est encore jamais vu, — ce que, dans les âges de la foi, on eut considéré comme impossible — le Pape fuyant Rome devant la révolution armée de la « légalité. » Une immense protestation s’élèvera de toutes les parties de l’univers où bat un cœur chrétien ; mais les puissants de la terre, race d’aveuglés, laisseront faire, applaudiront même.

Le télégraphe, il y a quelques jours, nous disait que Léon XIII avait consulté les évêques réunis à Rome, sur le projet de quitter la Ville Éternelle. Les entraves mises à l’exercice du souverain-pontifical par le pouvoir civil étaient moins sensibles du temps de Pie IX ; mais maintenant elles sont intolérables. Il n’est pas probable cependant que le Pape ait déjà jugé à propos de consulter l’épiscopat, ni même le collège des cardinaux. Le Pape ne quittera Rome que lorsque la position ne sera plus tenable. La révolution italienne grince des dents autour du Vatican, mais elle n’a pas encore osé s’attaquer à la loi des garanties et ravir à l’illustre prisonnier le reste de liberté dont il jouit encore. À moins que la révolution ne devienne plus orageuse et l’autorité moins forte et plus avilie, le centre du monde catholique ne se déplacera pas.

L’Italie d’ailleurs, hésitera à résoudre seule une question aussi grave. La prudence et sa faiblesse lui font un devoir de ne pas agir brusquement, de ne pas révolter la conscience endormie et apathique des souverains chrétiens. La Papauté trouverait peut-être même un appui inaccoutumé mais non inattendu, dans les cours protestantes et schismatiques. Singulière destinée des choses : au moment où les nations catholiques, s’acheminant vers l’athéisme, perdent de vue l’importance du pouvoir religieux et abandonnent à ses ennemis la personne et les biens du Pape, les nations protestantes par une intervention indirecte, par un appui moral, contrebalancent cet abandon et soutiennent le prestige et l’influence du sceptre de Pierre. Le roi des rois européens, — Bismarck, — suivant l’exemple de la Russie, opère un rapprochement remarquable vers la cour du Vatican. Le vieux Gladstone, laissant de côté ses préventions et son fanatisme, envoie à Rome un député chargé de nouer des relations officieuses avec le vieillard qui, malgré la perte de son trône temporel, exerce sur le monde le plus puissant empire qui fut jamais.

Ces dispositions nouvelles montrées par les ennemis séculaires de la Papauté auront-elles pour effet d’arrêter la haine des sectaires italiens ? Rome a été le cri de guerre du car-