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signalent chacune des étapes de ce triste procès. L’accusé, à l’aise en face de ses juges, trouve moyen de dérider ses plus fanatiques ennemis, par des sorties aussi drolatiques qu’intempestives. Est-il fou, oui ou non ? Cette question divise les savants qui, pour appuyer leurs dires divers, font toutes sortes de distinctions subtiles. Les actes de Guiteau ont été examinés avec autant de soin que la conformation de son crâne ; mais cette étude minutieuse ne parait qu’avoir servi à rendre plus profondes et plus tranchées les divergences d’opinion des médecins. Après s’être trompée au chevet de la victime, la science médicale va-t-elle errer jusqu’au pied du gibet de l’assassin ?

Le message présidentiel a été, à tout prendre, bien accueilli. Il ne contient pas cependant, dans ses longues pages, ce que l’on attendait. On n’y trouve aucune affirmation de principes relativement à la politique intérieure de la République, aux réformes à opérer. Le sujet était sans doute trop difficile à traiter. Le message parle longuement des relations amicales entretenues avec les gouvernements étrangers. L’univers ne sera pas étonné de la nouvelle. Les États-Unis sont la seule puissance importante de l’Amérique ; ils n’ont pas de rivaux sur le nouveau continent et conséquemment pas d’adversaires

Bismarck est au comble de ses succès diplomatique, Il dispose selon ses vues le vaste échiquier européen, avec une facilité inouïe. À l’ouverture de Reichstag, dernièrement, il déclarait que, depuis dix ans, la paix n’a jamais été aussi certaine qu’aujourd’hui. Ce qui veut dire que du moment que la France est impuissante, l’Allemagne n’a rien à craindre et Bismarck est tranquille. Depuis dix ans, ce chancelier prussien n’a travaillé qu’à rende impossible la revanche de la France ; il a mis tous ses soins à empêcher la nation vaincue de contracter des alliances.

La France, dans une guerre contre la Prusse, ne pourrait compter que sur l’alliance de la Russie, de l’Autriche ou de l’Italie. Or, par l’habileté de son jeu diplomatique, Bismarck vient de l’isoler de ces trois puissances. L’entrevue des empereurs de Russie et d’Allemagne, celle des souverains d’Autriche et d’Italie a complété cette œuvre. L’expédition de la Tunisie entre dans les vues du chancelier, car elle éloigne à ses yeux le danger et la possibilité de la revanche. Les dernières dépêches nous donnent cependant de sombres pressentiments. Les armements de la France et de l’Allemagne inquiètent les esprits. Gambetta songerait-il à couronner sa popularité par une guerre de revanche ?

Gustave Lamothe.