Page:Collectif - Revue canadienne, Tome 1 Vol 17, 1881.djvu/350

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l’Union. Les mines d’or et d’argent constituent pour le moment les principales ressources de la contrée que nous allons parcourir ; mais avant d’entrer dans des descriptions détaillées, je réclame le bénéfice des digressions comme une latitude nécessaire aux réflexions qui peuvent naître au courant de la plume.

Disons d’abord que la civilisation est assez avancée au Colorado, vu qu’une société toute formée s’y est établie presque spontanément après avoir été pour ainsi dire lancée d’un seul trait des bords de l’Atlantique dans cette nouvelle région. On peut donc s’aventurer sans crainte dans cette partie de l’Ouest, car les Peaux-Rouges de Fenimore Cooper, l’horreur du scalpe et les péripéties trop émouvantes du roman où l’antropophagie joue le plus grand rôle ne sont plus qu’à l’état de souvenirs ou d’illusions, et si les Utes, indigènes du Colorado se révoltent depuis quelque temps, il faut l’attribuer à des motifs peut-être plus que justifiables de leur part, et c’est sur quoi je reviendrai dans le cours de cette étude. Il y a encore les vagabonds (tramps) les aventuriers, les joueurs de profession (gamblers) qui errent çà et là, cherchant à exercer une industrie plus ou moins douteuse, mais on les évite facilement en agissant avec prudence et en les laissant se débattre avec la police, quand par hasard elle se trouve sur leur chemin. Donc rien n’oblige, malgré l’usage, de porter sur soi tout un arsenal. Le port d’armes est tolérable et même nécessaire dans certaines circonstances, mais il devient un abus ou dégénère en manie selon que l’on s’expose volontairement à des aventures inutiles et dangereuses, ou que l’on voyage dans une contrée paisible. Il y a une grande différence entre un simple touriste et un pionnier. L’un parcourt ordinairement des lieux fréquentés depuis longtemps, tandis que l’autre explore des espaces inconnus toujours remplis d’obstacles et de dangers. Ce dernier donc peut éprouver le besoin de se défendre, au lieu que le premier n’a qu’à se prélasser dans une voiture aussi agréable que commode. En effet, pourquoi un bon bourgeois dissimulerait-il sous ses habits poignards et pistolets ? Pour répondre à une attaque peut-être ; mais sur quoi fonderait-il cette appréhension ? Proba-