CAUSERIE MUSICALE.
L’ORGUE. — (Suite et fin.)
Certains passages, tels que Récitatifs, Échos, Épisodes, Cadences, ordinairement exécutés au clavier de Récit, permettent d’autant mieux l’emploi de la pédale d’expression qu’ils sont écrits le plus souvent pour les mains seules. Un crescendo habilement ménagé conduisant à une rentrée ou reprise au grand-jeu est du plus bel effet.
Quand une période déterminant un changement de clavier se relie à la précédente par un conduit mélodique, par une transition quelconque, il faut avoir soin, pour mieux conserver la liaison, soit de substituer une main à l’autre, soit d’atteindre d’avance le clavier suivant avec les doigts disponibles.
L’addition d’un ou de plusieurs jeux exige également beaucoup de précision et d’adresse ; un registre changé mal à propos, avant un silence ou après une phrase commencée détruirait tout sens, toute unité.
On a vu des amateurs brouillons tirant, poussant à tort et à travers les registres d’un orgue, ou passant sans motif d’un extrême fortissimo à un pianissimo à peine perceptible.
Je préfère encore à ce galimatias qui a le plus souvent pour but de dissimuler le vide des idées, l’absence de toute registration ou la sonorité presqu’uniforme de ces exécutants qui se bornent à passer d’un clavier à l’autre, tous registres dehors, pour mieux faire valoir la gymnastique de leurs doigts rassasiés de formules de piano ou de cantilènes opératiques.
Si un orgue considérable perd une grande partie de sa valeur en des mains inhabiles, en revanche un instrument de ressources médiocres, traité par un artiste d’expérience, produira nombre d’effets charmants. Pour n’en citer que deux : un Quatre-pieds, le Prestant, par exemple, touché dans la partie grave du clavier donnera le ton du Huit-pieds et de plus un timbre souvent très agréable ; en le réunissant à un Huit-pieds très doux, comme un Bourdon, une Dulciane, on obtiendra l’effet d’un Seize et d’un Huit.
Voilà donc un élément de variété de plus, obtenue par un simple déplacement des mains.