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Que d’autres combinaisons possibles avec un peu d’imagination et de goût, quelle variété n’obtient-on pas d’un petit orgue de huit à dix jeux, soit en éloignant les effets les plus saillants, afin de leur donner plus de piquant et de fraîcheur, soit en dissimulant, au moyen du style et du phraser, la qualité défectueuse de certains registres, soit enfin en faisant un usage discret des timbres les plus caractéristiques.

Quelle monotonie dans un grand orgue, si l’on ne sait que faire valoir sa puissance, ou bien si l’on néglige la belle harmonie des jeux de fonds pour ne toucher que fanfares de Trompette, solo de Hautbois, de Cromorne, de Voix céleste, de Voix humaine, etc.

Nous avons parlé des modifications qu’un organiste habile sait apporter au besoin à son style et à son phraser, cela nous conduit à dire un mot de l’improvisation.

Cette faculté aussi rare que précieuse exige une science profonde d’harmoniste jointe à une grande habitude de la forme, et une imagination féconde fréquemment retrempée dans le commerce des maîtres de l’orgue et des grands symphonistes.

Les impromptus des organistes célèbres ont été pour la plupart de véritables compositions régulières, tant sous le rapport de la correction harmonique que de la forme.[1]

Tantôt c’était une fugue avec toute la rigueur de sa contexture, tantôt un choral ingénieusement varié,[2] une mélodie grégorienne traitée en imitations canoniques, tantôt une sonate avec la symétrie de ses périodes, l’ordonnance de ses divers thèmes et épisodes et son admirable unité.

Tous les genres naissaient spontanément sous leurs doigts inspirées et les formes les plus libres : le Caprice, la Toccate le Prélude, n’excluaient jamais, malgré les hors-d’œuvres les plus fantaisistes, une mesure bien définie, des rythmes et des phrases bien conformés, l’unité des idées et le sentiment tonal.

Nombre d’organistes étrangers à toute notion d’harmonie, à toute lecture sérieuse, se mêlent quand même d’improviser sans songer que pour improviser, il faut commencer par concevoir une idée bien définie, former des rythmes qui devront engendrer d’autres rythmes, des phrases entières qui se succèdent, s’enchaînent d’une manière logique et se reproduisent périodi-

  1. J’ai entendu à la Magdeleine M. Camille Saint-Saëns improviser, durant l’offertoire un prélude fugue avec une correction telle qu’on aurait pu le croire écrit.
  2. C’était le genre d’improvisation favori du grand J. S. Bach.