Page:Collectif - Revue pittoresque 1848.djvu/74

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CHRISTEL.

Durant l’hiver de 1819, vers la fin de février, dans une petite ville du Perche, arrivèrent, pour s’y établir , une mère et sa fille ; elles venaient tenir le bureau de poste aux lettres . que de graves plaintes portées contre le prédécesseur avaient rendu vacant. Elles arrivèrent le soir, et, dès le lendemain, elles occupaient, dans la rue qui continue la place, la petite maison où, depuis bien des années, était situé le bureau. Le loyer de cette maison leur avait été cédé ; la pièce du rez-de-chaussée sur la rue devint leur résidence habituelle. Après qu’elles eurent fait exécuter quelques légers changements, la distribution du bureau se présentait ainsi : la pièce, avec deux fenêtres, n’avait point d’entrée par la rue ; la porte extérieure était celle de l’ancienne allée, dont la cloison, du côté de la chambre, avait été à moitié abattue, et où l’on avait placé une grille de bois à travers laquelle se faisaient les échanges de lettres. Comme suite à la grille, vers le fond de l’allée, une porte grillée aussi, et non fermée, donnait entrée dans le bureau. Les deux personnes qui venaient occuper cette humble et assujettissante position, et passer de longues journées sans murmure à ces fenêtres monotones et en vue de cette grille de bois étaient bien loin de s’y trouver accoutumées par leur vie antérieure. La baronne M…, veuve d’un chef d’escadron, mort en 1815 de chagrin et de fatigue après les désastres des Cent-Jours, était Allemande de naissance. Rencontrée à Lintz, aimée et enlevée de son gré par M. M…, alors lieutenant sous Moreau , elle s’était brouillée pour la vie avec sa très-noble famille , et avait suivi partout son mari dans les diverses contrées. Sa fille, née en Suisse, dans le frais Appenzel, avait plus tard doré son enfance au soleil d’Espagne. Cette jeune personne, qui avait atteint dix-huit ans, faisait l’unique soin de sa mère. À la mort de M. M.., sans fortune, sans pension, la fière et noble veuve avait vécu, durant deux années, de quelques économies, de la vente de quelques bijoux, des restes enfin d’une situation qui avait pu sembler brillante. Elle préférait tout à la seule idée de renouer communication avec sa famille d’Allemagne à dix quartiers, qui, même après le mariage de Marie-Louise, avait été pour elle sans pardon. La détresse menaçante, la vue surtout de sa fille, allaient la forcer peut-être à écrire. L’arrivée du général Dessoles au ministère fut un éclair d’espérance ; son mari avait servi sous lui. Le général, en attendant mieux, fit aussitôt accorder ce bureau de poste, et c’est ainsi qu’elles arrivaient.

Il y avait deux mois environ que la mère et la fille