Page:Collectif - Revue traditions populaires, 1886.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais, je t’assure, dit Gaïdic, je n’ai rien dit…

— Ne mens pas, lui répondit-il, je sais fort bien que tu as trahi le secret : au moment même où tu as parlé j’en ai été averti, et j’en ai ressenti une secousse dans mon cœur.

Gaïdic se mit à pleurer ; Yves, de son côté, pleurait aussi, car s’il était heureux de voir sa métamorphose cesser, il lui en coûtait de quitter son épouse, et ils passèrent la nuit à se lamenter. Au matin, avant de partir, Yves remit à Gaïdic trois noix, en lui disant de les casser l’une après l’autre, quand elle se trouverait avoir besoin de secours, puis il l’embrassa une dernière fois et disparut.

Gaïdic, en pleurant, alla raconter à sa belle-mère ce qui s’était passé. La dame, tout en se demandant où son fils avait bien pu se rendre, consola de son mieux sa belle-fille, mais Gaïdic ne pouvait se faire à l’idée du départ de son mari, elle restait enfermée toute la journée, et languissait de jour en jour davantage.

Quelques mois après, elle mit au monde un fils qui était beau comme le jour, mais bien qu’elle aimât beaucoup cet enfant, elle pensait toujours à Yves, et sitôt après ses relevailles, elle laissa son garçon à la garde de sa belle-mère, et partit pour courir le monde à la recherche de son époux, sans oublier d’emporter les trois noix qu’il lui avait remises avant de la quitter.

Tant qu’elle put marcher, elle marcha, mais vers la fin du jour, comme elle ne savait où passer la nuit et qu’elle mourait de faim et de fatigue, elle se dirigea vers un château qu’elle apercevait au loin.

Quand elle arriva devant la porte, le gardien lui demanda ce qu’elle voulait. Elle répondit en lui demandant à son tour si on n’avait pas besoin d’une servante. Le portier lui répondit que, justement, il fallait une femme de basse-cour, et qu’il allait en parler à la dame du château. Celle-ci fit venir Gaïdic et la prit à son service.

Il y avait déjà quelque temps qu’elle y était lorsqu’un jour elle vit se promenant dans le parc avec la fille du châtelain, devinez qui ? Son mari Yves de Kermac’hek ! Elle demanda aux autres domestiques quel était ce jeune seigneur. On lui répondit qu’il était arrivé depuis plusieurs mois, et qu’il devait épouser avant peu la demoiselle du château.

Quand Gaïdic apprit cela, elle n’eut plus qu’une pensée, se procurer une entrevue avec son mari et lui apprendre qu’elle était là. Le lendemain, elle ne savait comment faire et était bien embarrassée lorsqu’elle se souvint des trois noix. Elle en cassa donc une pendant qu’elle gardait ses poules dans la prairie située devant le château ; aussitôt se