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Page:Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions, et romans cabalistiques, tome 29, 1788.djvu/40

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Voyage

Je fis grand plaiſir à madame d’Arcire ; ce n’eſt pas que le dépit du comte ne la fit triompher ; mais elle eſt ſage ; elle craignoit une querelle entre deux braves gens, qui auroient pouſſé la choſe trop loin. On danſa long tems, & fort bien. Le vieux duc fit des merveilles, & cabriola même pour, me prouver ſa ſanté.

Le bal fini, on s’aſſit en rond ; & comme la nuit approchoit, & qu'il étoit préciſément cette heure où tout prend une forme indéciſe, où les arbres paroiſſoient des géans, & les hommes des ombres, n'eſt-il pas vrai, dit le duc en me montrant un gros buiſſon à quinze ou vingt pas de là, que ſi vous étiez ſeule, ce buiſſon vous paroîtroit un groupe d'eſprits ? Je conviens, repris-je, que mes yeux y pourroient être trompés ; mais, je crois avoir aſſez prouvé mon aſſurance, pour n’être pas ſeule apoſtrophée ſur la poltronnerie, Pour moi, dit madame d’Arcire, j'avoue que j'ai quelquefois peur, & que je n’aimerois point à me trouver ſeule ici. Bréſy lui dit la-deſſus quelque choſe à l’oreille : Sélincourt le remarqua ; & je commençai au plus vîte une hiſtoire pour détourner encore des remarques qui auroient pu aller trop loin,