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C’ÉTAIT ÉCRIT !

Mme Lewson ; il a mené, paraît-il, la vie la plus dissolue, la plus scandaleuse du monde. C’est du moins ce que j’ai lu dans le journal avant notre départ de Londres. »


VIII

Rhoda fit, ainsi qu’il suit, le récit de ce qu’elle venait de lire :

« Un vieux comte irlandais avait deux fils, dit-elle. Le plus jeune était connu mystérieusement sous le sobriquet du sauvage lord. On accusait le comte de n’avoir point été un bon père et même on disait qu’il s’était montré cruel envers ses enfants ; le cadet, abandonné à lui-même, eut une jeunesse des plus aventureuses ; sa première prouesse fut de s’évader du collège ; puis, il réussit à être embarqué comme mousse ; il apprit vite le métier et se fit bien voir du capitaine et de l’équipage, mais le contremaître, homme brutal s’il en fut, infligea au jeune matelot des punitions corporelles qui non seulement l’humilièrent, mais le décidèrent à aller chercher dame Fortune à terre. Là, une troupe de comédiens ambulants se l’adjoignit et bientôt, il obtint de véritables succès sur les planches ; or, le contact perpétuel des acteurs et l’autorité d’un directeur, lui firent prendre le métier en grippe ; d’une nature emportée et indépendante, il se jeta après cela dans le journalisme, mais une malheureuse affaire d’amour le fit renoncer à la presse.

« À peu de temps de là, il fut reconnu comme maître d’hôtel d’un paquebot transatlantique, faisant le service entre Liverpool et New-York. Puis, il donna des séances de médium ; or, le médium d’outre-mer abusait étrangement de l’irrésistible ascendant que les sciences occultes exercent à notre époque, sur certains esprits faibles. Bref, pendant un certain temps, on n’entendit plus parler de lui. Enfin, un jour l’on apprit qu’un voyageur égaré dans les prairies du Far West, avait été trouvé moitié mort de faim : c’était le sauvage lord ! Il ne tarda pas à avoir maille à partir avec les Indiens et il se vit abandonné par eux à son malheureux sort.