Page:Collins - C’était écrit.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
C’ÉTAIT ÉCRIT !

« Ainsi finirent ses équipées.

« Dès qu’il eut recouvré la santé, il écrivit à son frère aîné, que la mort du comte venait de mettre en possession du titre et de la fortune, lui disant qu’il voulait mettre un terme à la vie de bohème qu’il avait menée jusque-là ; il ajoutait qu’on ne pouvait mettre en doute son désir de s’amender. Or, le voyageur qui lui avait sauvé la vie, disait qu’il se faisait garant de sa bonne foi et de sa sincérité.

« Par l’entremise de son notaire, le nouveau lord fit savoir à son frère, qu’il lui envoyait un chèque de 25 000 francs, somme qui représentait intégralement le legs qui lui revenait de son père. Il lui faisait savoir en outre, que s’il s’avisait jamais de lui écrire, ses lettres resteraient non ouvertes. En un mot, fatigué des frasques de ce vagabond, il n’entendait plus avoir de rapport avec lui.

« Après s’être vu traité de cette façon cruelle, le sauvage lord parut avoir à cœur de ne plus tenter aucun rapprochement avec sa famille. Il reprit ses anciens errements, se lança dans de nouveaux paris avec les bookmakers. D’entrée de jeu, dame Fortune sembla le favoriser ; or, avec l’infatuation habituelle des gens qui risquent le tout pour le tout, il usa et abusa de sa chance ; bref, une nouvelle saute de vent le laissa sans un sou vaillant ! Alors, il revint en Angleterre où il fit l’exhibition de l’un de ces bateaux microscopiques sur lequel son compagnon et lui avaient accompli la traversée de l’Atlantique. À quelqu’un qui lui adressa une observation à ce sujet, il répondit qu’il avait espéré faire naufrage et commettre ainsi un suicide en rapport avec la vie abracadabrante qu’il avait menée jusque-là. De toutes les versions qui circulaient sur son compte, aucune ne semblait digne de foi. À tout prendre, il y avait gros à parier que les nihilistes américains n’eussent englobé le sauvage lord dans les filets d’une conspiration politique. »

La femme de chambre, lorsqu’elle eut fini son récit, put constater chez sa maîtresse une émotion qui ne laissa pas de la surprendre. D’un air de bonté attristée, elle félicita Rhoda de sa bonne mémoire, puis garda le silence.

Des bribes de conversations avaient déjà mis miss Henley au fait des folies de lord Harry, mais ce compte rendu