Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/182

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disait nettement, elle-même, de sa propre bouche, — il n’hésiterait pas à se sacrifier en la laissant tout à fait libre de se regarder comme dégagée.

— C’était là, miss Halcombe, tout ce qu’un homme peut dire de plus. Et, tels que je les connais, il en est peu à sa place qui en eussent dit autant…

Elle se tut un moment, après que j’eus prononcé ces paroles, et leva les yeux sur moi avec une singulière expression de détresse et de perplexité.

— Je n’accuse personne… je ne soupçonne rien, s’écria-t-elle par un brusque effort. Mais je ne peux pas et je ne veux pas prendre la responsabilité de persuader ce mariage à Laura.

— C’est exactement, répliquai-je fort étonné, la ligne de conduite que sir Percival Glyde vous convie à suivre. Il vous a suppliée de ne pas contraindre les inclinations de votre sœur.

— Oui ; mais en me chargeant de transmettre son message, il m’oblige indirectement à ce qu’il me sollicite de ne point faire.

— Comment cela peut-il être ?

— Consultez, monsieur Gilmore, la connaissance que vous avez de Laura. Si je lui recommande de réfléchir sur les circonstances qui ont présidé à son engagement, je fais en même temps appel à deux des sentiments qui ont le plus d’action sur elle, — son culte pour la mémoire de son père, et cette autre religion que constitue en elle son respect pour la vérité. Vous savez que, de sa vie entière, elle n’a manqué à une seule de ses promesses ; vous savez qu’elle s’est laissée aller à cet engagement, au début de la fatale maladie qui allait emporter son père, et que, sur son lit d’agonie, le pauvre homme lui parlait sans cesse avec espérance, avec bonheur, du mariage qui allait donner sir Percival Glyde pour protecteur à sa fille…

J’avoue que cet aspect de la question m’ébranla quelque peu.

— Bien certainement, lui dis-je, vous ne prétendez pas inférer de tout ceci qu’en vous parlant hier comme il l’a