Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/190

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blesses nerveuses ; seule, je pleure souvent sans motifs,… mais je vais mieux, maintenant ; je puis vous répondre raisonnablement, monsieur Gilmore,… je le puis, en vérité.

— Non, ma chère, non, répondis-je ; nous tiendrons ce sujet pour épuisé, provisoirement. Ce que vous m’avez dit m’autorise suffisamment à prendre de mon mieux la défense de vos intérêts ; nous pourrons, dans une autre occasion, régler les détails… Laissons-là les affaires, à présent, et causons de quelque autre chose…

J’obtins d’elle, immédiatement, qu’elle acceptât d’autres sujets d’entretien, et en dix minutes, elle était déjà un peu ranimée. Je me levai alors pour prendre congé.

— Revenez nous voir, disait-elle avec insistance. Si vous revenez, j’essaierai de mériter mieux vos bontés pour moi, votre zèle pour mes intérêts…

Ainsi donc elle s’attachait avec acharnement au passé, — à ce passé dont je lui représentais une partie, comme miss Halcombe lui en représentait une autre ! j’étais profondément troublé en voyant cette jeune fille jeter, sur ses débuts dans la vie, le même long regard plein de regrets que je jette, moi, sur le commencement de ma carrière.

— Si je reviens, j’espère vous trouver mieux, lui dis-je, — mieux et plus heureuse… Dieu, ma chère, vous vienne en aide !…

Elle ne me répondit qu’en m’offrant sa joue à baiser. Pour être avocat on n’en est pas moins homme, et j’avais le cœur un peu serré quand je dus prendre congé d’elle.

Toute notre entrevue n’avait guère duré plus d’une demi-heure ; Laura n’avait pas, devant moi, prononcé une parole qui m’expliquât le chagrin, la détresse mystérieuse où la jetait évidemment l’idée de son futur mariage, et néanmoins, je ne sais ni pourquoi ni comment elle avait fini par me gagner à ses idées. J’étais entré chez elle, pénétré des motifs que sir Percival Glyde avait, bel et bien, de trouver un peu froid l’accueil qu’elle lui faisait. J’en sortis espérant « in petto » qu’elle finirait