Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/204

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Limmeridge, lui avait été accordée, ne me paraissait pas, d’ailleurs, lui donner le droit d’entrer ainsi dans les secrets de la famille ; en conséquence, je résolus de traiter aussi évasivement que possible, vis-à-vis de lui, la question du mariage de miss Fairlie.

— Nous verrons, monsieur Hartright, lui dis-je, — nous verrons. J’ose croire que si nous attendons, pour parler du mariage, sa publication dans les journaux, nous ne risquerons guère de nous tromper… Excusez cette remarque, mais je suis fâché de vous retrouver avec une mine moins bonne qu’à notre dernière rencontre…

Une contraction nerveuse, qui ne dura qu’un moment, passa sur ses lèvres et autour de ses yeux ; je me reprochai presque de lui avoir répondu avec une réserve si marquée.

— Vous avez raison, dit-il avec amertume. Quel droit ai-je donc de vous questionner sur son mariage ?… Je le verrai dans les journaux, comme tout le monde… Oui, continua-t-il avant que j’eusse pu lui faire accepter la moindre excuse… Oui, tous ces temps-ci, je n’ai pas été très-bien portant… Je vais essayer du changement d’air et de nouvelles occupations. Miss Halcombe a bien voulu me recommander, et les renseignements pris se sont trouvés au gré des personnes avec qui je m’engage. C’est un peu loin, à la vérité ; mais peu m’importe où je vais, sous quel climat, et combien de temps je passerai loin de mon pays…

Tout en parlant ainsi, je remarquai qu’il jetait de temps en temps sur la foule d’étrangers, dont le double courant nous enveloppait, un regard singulièrement soupçonneux, absolument comme s’il eût pensé découvrir parmi eux quelque espion.

— Je souhaite que votre voyage réussisse en tout point, lui dis-je, et qu’il soit suivi d’un heureux retour ;… — puis j’ajoutai, de manière à ne pas le tenir trop à l’écart de ce qui concernait les Fairlie : — Précisément aujourd’hui, je vais à Limmeridge pour affaires. Miss Halcombe et miss Fairlie viennent d’en partir pour visiter des amis dans le Yorkshire…