Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/205

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Ses yeux rayonnèrent, et il parut sur le point de me répondre ; mais le même spasme nerveux vint une seconde fois contracter momentanément son visage. Il prit ma main, la serra fortement, et se perdit dans la foule, sans ajouter un seul mot. Il n’était guère pour moi autre chose qu’un étranger, et pourtant je restai là, une ou deux minutes, le suivant de l’œil avec une sorte de regret. L’exercice de ma profession m’avait fait pratiquer les jeunes gens assez pour savoir à quels signes on reconnaît qu’ils commencent à mal tourner, et lorsque je repris ma route vers le chemin de fer, je dirai à regret que j’avais de grandes inquiétudes sur l’avenir de M. Hartright.


IV


Parti par un train du matin, j’arrivai à Limmeridge à temps pour le dîner. Le château était d’un vide et d’une monotonie qui m’accablèrent. J’avais espéré qu’en l’absence des jeunes ladies, la bonne mistress Vesey me tiendrait compagnie ; mais un rhume la confinait dans sa chambre. Les domestiques furent si surpris de me voir que, dans leur trouble et leur empressement extravagants, ils commirent toute espèce d’erreurs fâcheuses. Le sommelier lui-même, assez âgé pour en savoir plus long, m’apporta une bouteille de Porto qu’il avait omis de faire tiédir. Les nouvelles qu’on me donna de M. Fairlie, étaient exactement les mêmes qu’à l’ordinaire ; et lorsque je lui envoyai annoncer mon arrivée, il me fit dire qu’il serait charmé de me voir le lendemain matin, mais que la brusque nouvelle de mon apparition avait déterminé chez lui des palpitations de cœur, lesquelles l’avaient mis à bas pour le reste de la soirée. Le vent siffla toute la nuit d’une manière effrayante ; et, dans ce grand château vide, on n’entendait ici, là, de tous côtés, que craquements et gémissements sinistres. Je dormis aussi mal que possible, et