Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/224

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Après avoir répondu en ces termes, il se tut et leva les yeux vers elle, ayant l’air d’attendre ce qu’elle avait encore à dire.

— J’ai fini, ajouta-t-elle avec calme. Vous avez maintenant plus de motifs qu’il n’en faut pour rendre parfaitement légitime et naturel le manquement à votre parole.

— J’ai, répondit-il, plus de motifs qu’il ne m’en faut pour consacrer ma vie à la tenir…

Il se leva, parlant ainsi, et fit quelques pas vers le sopha où elle était assise.

Elle se redressa brusquement, et la surprise lui arracha un faible cri. Chaque mot de ceux qu’elle avait prononcés révélait sa candeur, sa loyauté parfaite à un homme qui devait apprécier pleinement l’inestimable valeur d’une femme pure et loyale. Aussi, la noblesse même de sa conduite avait-elle secrètement anéanti, l’une après l’autre, toutes les espérances qu’elle avait fondées sur les révélations complètes auxquelles, en s’y résignant, elle confiait secrètement le soin de l’affranchir. Voilà ce que j’avais craint dès le début. Voilà ce que j’aurais empêché si elle m’avait laissé la moindre chance d’en venir à bout. Même à présent, le mal déjà fait, j’attendais, je guettais au passage un mot de sir Percival qui me donnât occasion de le mettre dans son tort.

— Vous me laissez le droit, miss Fairlie, continua-t-il, de renoncer à votre main ? Je ne suis pas assez dénué de cœur pour renoncer à une femme qui vient de se montrer l’honneur de son sexe…

Il parlait avec un accent si pénétré, une passion si enthousiaste, et pourtant une si parfaite délicatesse, qu’elle releva la tête, rougissant un peu, et le regarda en face, animée soudain d’un nouveau courage.

— Non, dit-elle avec fermeté. Le déshonneur de son sexe, au contraire, si elle peut se donner comme femme, sans donner en même temps son amour.

— Ne peut-elle donc, demanda-t-il, l’accorder, dans l’avenir, au mari qui consacrerait sa vie entière à le mériter ?