Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/242

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vient. Si ce plan ne convenait pas, il ne refuse pas, bien qu’il n’ait pas d’établissement à Londres, d’y passer toute la saison, et d’y louer pour cela, toute meublée, la maison la plus convenable qu’on y pourra trouver.

Abstraction faite de mes convenances et de mes sentiments personnels (je n’en dois pas tenir compte, et je les sacrifie volontiers), il m’est démontré que la meilleure de ces deux alternatives est certainement la première. Dans un cas comme dans l’autre, une séparation est inévitable entre Laura et moi. Sans doute, cette séparation sera plus longue, s’ils vont à l’étranger que s’ils demeuraient à Londres ; — mais, en regard de cet inconvénient, il faut tenir compte du bien que doit faire à Laura un hiver passé dans les pays chauds ; plus encore, de l’aide immense qui lui sera, pour relever son moral, pour lui faire accepter ses nouvelles conditions d’existence, l’éblouissement prestigieux de ce voyage, le premier qu’elle fasse de sa vie, dans la plus intéressante contrée qui soit au monde. Elle n’est point dans une disposition d’esprit qui lui permette de demander quelque soulagement aux excitations artificielles, aux semblants de plaisirs que lui offrirait la capitale. Elle les prendrait vite en horreur, et le premier accablement de ce désolant mariage en serait aggravé pour elle. Je crains, plus que je ne puis le dire, le début de cette vie nouvelle ; pourtant, j’entrevois quelque espérance pour ma sœur si elle s’éloigne de son pays, — aucune si elle y reste.

En relisant ce dernier paragraphe de mon « Journal », je m’aperçois, et non sans le trouver étranger, que je parle du mariage de Laura et de notre séparation, dans les termes qu’on emploie pour les choses définitivement arrêtées. Je me trouve bien froide, bien insensible, d’envisager déjà l’avenir avec ce calme cruel. Mais à quel autre moyen avoir recours, maintenant que l’époque fixée est si proche ? Avant que le mois prochain ait passé sur nos têtes, « ma » Laura sera devenue la « sienne » !… Sa Laura !… Je suis incapable d’envisager comme un fait l’idée que ces deux mots impliquent : — elle amortit, elle étourdit ma pensée à ce point, qu’en me parlant à moi-