Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sir Percival froissa le papier qu’il tenait dans sa main, et venant se placer, avec un autre blasphème, entre le comte et la porte :

— Comme vous voudrez… dit-il à demi-voix, avec l’accent de la rage déçue. Comme vous voudrez, et nous verrons ce qui en arrivera… Sur ces mots, il quitta la bibliothèque.

Madame Fosco interrogea son mari du regard : — Il s’en est allé bien soudainement, dit-elle. Qu’est-ce que cela signifie ?

— Cela signifie qu’à nous deux nous venons de rappeler à la raison le plus mauvais caractère des Trois-Royaumes, répondit le comte. Cela signifie, miss Halcombe, que lady Glyde ne sera plus soumise à un traitement indigne, et que l’impardonnable insulte dont vous avez été l’objet ne se renouvellera plus. Laissez-moi vous exprimer mon admiration pour votre courageuse conduite dans un moment des plus critiques.

— Admiration sincère, insinua madame Fosco…

— Admiration sincère, répéta le comte, écho docile de sa moitié.

Je n’avais plus, pour me soutenir, cette force que je puisais naguère dans ma résistance à l’injustice, à l’outrage. L’inquiet besoin que j’éprouvais de revoir Laura ; de savoir ce qui s’était passé à l’embarcadère, le sentiment de l’impuissance à laquelle j’étais réduite, faute de connaître au juste les incidents qui venaient d’avoir lieu, tout cela pesait sur moi d’une manière intolérable.

Je tâchai de sauver les apparences, en parlant au comte et à sa femme sur le ton qu’eux-mêmes venaient d’adopter vis-à-vis de moi. Mais les paroles expiraient sur mes lèvres ; — la respiration me manquait, — mes yeux se tournaient involontairement du côté de la porte. Le comte, qui comprenait mon anxiété, ouvrit cette porte et sortit, ayant soin de la tirer après lui. Au même moment, sir Percival descendait bruyamment l’escalier. Je les entendais se parler tout bas au dehors, tandis que madame Fosco, de son accent le plus calme et avec toutes les