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III


Telle était l’histoire du passé ; — du moins était-ce là ce que nous en pouvions connaître alors.

Quand elle m’eut été révélée, deux conclusions bien nettes se présentèrent à mon esprit. En premier lieu, sans pénétrer tous les ressorts qu’on avait fait jouer, je voyais en quoi le complot avait consisté ; les chances guettées avec soin, les circonstances habilement exploitées pour assurer l’impunité à un crime aussi audacieux que compliqué. Les détails s’enveloppaient encore à mes yeux d’un profond mystère, mais je devinais, à n’en pas douter, le honteux abus qu’on avait fait de la ressemblance entre la Femme en blanc et Laura. Il était évident qu’Anne Catherick avait été amenée chez le comte Fosco, sous le nom de lady Glyde ; évident encore que lady Glyde avait pris, à l’hospice, la place de la femme morte ; substitution assez adroitement ménagée pour assurer au crime plusieurs complices tout à fait innocents : — le docteur Goodricke et les deux servantes, bien certainement ; le directeur de l’hospice, suivant toutes probabilités.

La seconde conclusion dérivait nécessairement de la première. À nous trois, nous ne devions attendre aucune merci du comte Fosco et de sir Percival. La réussite du complot avait procuré à ces deux hommes un bénéfice net de trente mille livres sterling : — vingt mille pour l’un, directement ; dix mille pour l’autre, par l’intermédiaire de sa femme. Ils avaient cet intérêt, mais bien d’autres encore, à préserver leur iniquité d’être mise au jour : ils ne négligeraient aucun moyen, ils ne reculeraient devant aucun sacrifice, ils ne se refuseraient à aucune trahison pour découvrir la retraite de Laura, et la séparer des seuls amis qu’elle eût au monde : — Marian Halcombe et moi-même.

Le sentiment de ce danger sérieux, — danger que cha-