Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/591

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Elle jeta un coup d’œil sur l’adresse, et reconnut immédiatement l’écriture.

— Vous connaissez votre correspondant ? lui demandai-je.

— Je ne le connais que trop, répondit-elle. Mon correspondant est le comte Fosco…

Tout en parlant, elle décachetait la lettre. Tandis qu’elle en prenait lecture, le sang lui monta aux joues, et ses yeux brillaient d’indignation lorsqu’elle me la passa pour que j’en prisse à mon tour connaissance.

Cette lettre était ainsi conçue :

« Obéissant à un honorable sentiment d’admiration, — honorable pour moi comme pour vous ; — je vous écris, magnifique Marian, dans l’intérêt de votre repos, et pour vous adresser simplement deux paroles de consolation :

» Ne craignez rien !

» Mettez à profit l’admirable bon sens que vous tenez de la nature, et vivez désormais dans la retraite. Chère et admirable femme, n’appelez point sur vous une publicité périlleuse ! La résignation est sublime ; — résignez-vous ! La modeste tranquillité du foyer domestique offre des attraits éternellement nouveaux ; — sachez en jouir ! Les orages de la vie passent, désarmés, sur les tranquilles vallons de la solitude ; — habitez, chère lady, ces vallons retirés !

» Agissez ainsi, et je vous permets de ne rien craindre. Aucune infortune nouvelle ne viendra froisser votre sensibilité, — sensibilité qui m’est aussi précieuse que la mienne. Vous ne serez point molestée ; la belle compagne de votre retraite ne sera point poursuivie. Elle a trouvé, dans votre cœur, un asile nouveau. Asile inappréciable ! je le lui envie, et je l’y laisse.

» Un dernier mot d’avertissement affectueux, de prévoyance paternelle, — et je m’arrache au bonheur de vous parler ; je clos ces lignes ferventes.

» N’allez pas plus loin sur la route où vous êtes engagée ; ne compromettez aucun intérêt sérieux ; ne menacez personne ! Je vous en supplie, ne me forcez point à l’action, — moi, l’homme d’action par excellence, —