Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/590

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égard fut exaucé. Je sautai dans le cab, et enjoignis au cocher de pousser vivement vers Hyde-Park. Mes espions n’avaient pas sous la main un second équipage aussi leste. Je les vis s’élancer de l’autre côté de la route, pour me suivre à la course, jusqu’à ce qu’ils rencontrassent ou un cabriolet ou une station. Mais j’avais de l’avance sur eux, et, lorsque, pour descendre, j’arrêtai le cocher, personne n’était en vue. Je traversai Hyde-Park, et m’assurai, en rase campagne, que j’avais déjoué la surveillance dont j’étais l’objet. Je ne rentrai cependant au logis que beaucoup plus tard, et seulement lorsque l’obscurité se fut faite.

Marian m’attendait, seule dans le petit salon. Elle avait persuadé à Laura d’aller dormir, en lui promettant de me montrer, dès mon retour, le dessin avec lequel je l’avais laissée aux prises. Cette pauvre petite esquisse, vague et sans éclat, — si peu de chose en elle-même, si touchante par les idées qui s’y rattachaient, — avait été étayée avec soin sur la table, au moyen de deux gros volumes, et placée de manière à recevoir, le plus avantageusement possible, les rayons de la bougie unique à laquelle nous nous réduisions alors. Je m’assis pour regarder ce dessin, et pour raconter tout bas à Marian ce qui était arrivé. La cloison qui nous séparait de la chambre voisine était si peu épaisse, que nous distinguions presque la respiration de Laura, et que nous l’eussions nécessairement réveillée en parlant à voix haute.

Marian garda son calme ordinaire pendant que je lui racontais mon entrevue avec M. Kyrle. Mais son visage changea, lorsque ensuite je lui parlai des deux hommes qui m’avaient suivi, au sortir des bureaux de l’avocat, et surtout quand je lui annonçai comment j’avais découvert le retour de sir Percival.

— Mauvaises nouvelles, Walter, me dit-elle ; les pires que vous pussiez rapporter. Avez-vous quelque chose à m’apprendre ?

— J’ai quelque chose à vous remettre, lui répondis-je en lui passant la lettre que M. Kyrle avait confiée à mes soins.