Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/697

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Le récit est continué par mistress Catherick.


Monsieur, vous n’êtes pas revenu comme vous l’aviez annoncé. Cela ne fait rien ; je suis au courant des nouvelles, et je vous écris pour vous le dire. Avez-vous remarqué sur mon visage, quand vous me quittiez, une expression particulière ? C’est que je me demandais, en moi-même, si le jour de sa chute était enfin venu, et si vous étiez l’instrument providentiel, choisi pour venir à bout de lui. Vous étiez en effet cet instrument, — et vous avez accompli votre mission.

Vous avez eu la faiblesse, m’a-t-on dit, de vouloir lui sauver la vie. Si vous eussiez réussi, je vous aurais regardé comme un ennemi mortel. Je vous tiens, au contraire, pour ami, du moment où vous avez échoué. La crainte que lui inspiraient vos recherches, à votre insu et contrairement à votre vouloir, ont servi une haine de vingt-trois années, et accompli la vengeance qu’elle réclamait. Merci, monsieur ; malgré vous, merci !

Je dois quelque chose à l’homme dont l’intervention a eu ce résultat. Mais comment acquitter ma dette ? Si j’étais encore une jeune femme, je pourrais vous dire : — Venez passez votre bras autour de ma taille, et si vous l’avez pour agréable, posez vos lèvres sur les miennes… J’aurais assez raffolé de vous pour ne pas reculer devant cette extrémité, et, laissez-moi vous le dire, monsieur, vous n’auriez pas refusé cette invitation, si je vous l’eusse adressée il y a vingt ans. Mais, à présent, je suis vieille. Eh bien, j’ai de quoi satisfaire votre curiosité ; c’est ainsi que je compte vous payer. Vous étiez, en effet, quand vous vîntes chez moi, fort désireux de connaître quelques-unes de mes affaires les plus secrètes, — si secrètes que toute votre subtilité n’y pouvait voir clair sans mon aide, — si secrètes que, même à présent, vous n’avez pu en pénétrer le mystère. Je vais, moi, vous le révéler ; votre curiosité aura de quoi se satisfaire. Je me donnerai toute espèce de peine pour vous être agréable, mon estimable jeune ami !